la crise économique et le chômage dans l’UE et les pays candidats
Carte du chômage dans l’UE
2007-2013 : la crise économique et le chômage dans l’UE et les pays candidats
Par
, le 10 décembre 2013, diplowebEn Master 2 Recherche à l’Institut Français de Géopolitique (IFG). Stagiaire à la rédaction du Diploweb.com.
Voici une carte commentée. L’analyse des chiffres du chômage de 2007 et de 2013 dans les 28 membres de l’Union européenne permet de constater que les effets de la crise économique se font sentir de manière radicalement différente d’un État à l’autre.
CONSIDÉRONS successivement la carte, puis commentons la situation des pays membres de l’Union européenne, de la zone euro et des candidats. Puis, nous comparerons l’UE avec le Japon et les Etats-Unis. Enfin, nous nous interrogerons sur les perspectives [1].
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Pays membres de l’Union européenne
On peut ainsi distinguer quatre grandes tendances au sein de l’UE.
. Baisse du chômage
Les pays ayant vu leur taux de chômage baisser entre 2007 et 2013 sont au nombre de deux : l’Allemagne et Malte. Il s’agit là des deux exceptions à la hausse généralisée du chômage dans l’Union européenne entre 2007 et 2013.
. Hausse du chômage modérée
On compte douze pays dans la catégorie des membres ayant subi une hausse du chômage visible mais relativement modérée, c’est-à-dire comprise entre + 0,1 et + 3 points. Ces pays sont l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, la Hongrie, le Luxembourg, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Suède. C’est la tendance qui touche le plus de pays.
. Hausse marquée du chômage
Le troisième groupe est constitué des États membres dont le taux de chômage a augmenté d’entre 3,1 et 6 points. Il s’agit de la Bulgarie, l’Estonie, l’Italie, la Lettonie, les Pays-Bas, la Slovaquie et la Slovénie.
. Très forte augmentation du chômage
Pour terminer, on peut classer dans la dernière catégorie les pays dont le taux de chômage a subi une augmentation très forte : Chypre, la Croatie, l’Espagne, la Grèce, l’Irlande, la Lituanie et le Portugal. Le chômage y a gagné entre 6,1 et 19,6 points.
Il faut toutefois considérer avec précaution les tendances de l’augmentation du chômage, car celles-ci ne reflètent pas la diversité des situations domestiques de chaque État membre.
. Augmentation du chômage mais un niveau toujours faible
Ainsi, dans des États tels que l’Autriche, le Danemark, le Luxembourg ou la République tchèque, qui ont subi une augmentation comprise entre + 0,1 et + 6 points de chômage (donc des hausses modérées à fortes), il faut rappeler que le taux actuel reste malgré tout relativement bas (moins de 7 % de la population active), et largement sous la barre de la moyenne de l’Union européenne, qui se situe à 11,1 % en 2013.
Comparées à d’autres pays membres, la France et la Pologne affichent une augmentation du chômage relativement modérée depuis 2007.
. Augmentation modérée du taux de chômage
Ensuite, des pays tels que la France et la Pologne affichent quant à eux une augmentation du chômage modérée depuis 2007. En fait, la hausse est modérée parce que ces États avaient un taux de chômage qui était déjà élevé au début de la période étudiée (entre 8,3 et 9,6% de la population active en 2007).
. Hausse du chômage dans les pays présentant avant 2007 un taux de chômage relativement faible
D’autre part, on constate chez certains États membres (Chypre, Irlande, Lituanie) une montée très importante du chômage depuis six ans (supérieure à 6,1 points) alors qu’ils connaissaient avant 2007 un chômage assez faible (inférieur à 5 % de la population active). Ces États subissent de plein fouet les conséquences de la crise économique.
. Hausse du chômage dans les pays membres où il était déjà élevé
Enfin, il faut également souligner que certains pays subissent une augmentation notable du taux de chômage (supérieure à 6,1 points), alors que celui-ci était déjà élevé avant la crise économique.
La Croatie, l’Espagne, la Grèce et le Portugal ont ainsi gagné entre 6,1 et 19,6 points de chômage alors qu’ils présentaient tous en 2007 un taux déjà supérieur à 8 %. C’est dans ces pays que les effets de la crise économique se font le plus durement sentir : la Grèce a du recourir à un plan de sauvetage de la part du Fonds Monétaire International en 2010, le Portugal a négocié un prêt de la part du FMI et de l’UE en 2011 et l’Espagne a reçu 41,3 milliards d’euros de la part de l’UE fin 2012.
Une corrélation entre l’ancienneté de l’adhésion à l’Union européenne et la tendance du chômage ?
Par ailleurs, si l’on se penche sur les phases successives de l’extension de l’Union européenne depuis sa création en 1957 (1973, 1981, 1986, 1995, 2004, 2007 et 2013), on constate que l’évolution du chômage se produit de manière similaire chez des membres dont l’adhésion a eu lieu à des moments différents.
Par exemple, la baisse du chômage constatée en Allemagne et à Malte touche un pays fondateur de l’Union et un de ses membres les plus récents (adhésion en 2004), tandis qu’on retrouve dans la catégorie des pays le plus en difficulté (hausse supérieure à 6,1 points) des membres dont l’adhésion a eu lieu entre la première et la dernière phases d’extension de l’UE (de 1973 à 2013).
Il ne semble ainsi pas possible d’établir une corrélation entre l’ancienneté de l’adhésion à l’Union et le taux de chômage d’un État membre.
La zone Euro
Parmi les 28 membres de l’Union européenne, 17 adhèrent également à la zone Euro : il s’agit de l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, Chypre, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovaquie et la Slovénie.
On constate que les pays qui présentent les hausses de chômage les plus importantes dans l’UE ont tendance à faire partie de la zone Euro : sur les quatorze pays ayant subi une augmentation du chômage supérieure à 3 points, dix utilisent la monnaie commune.
Toutefois, les deux pays dont le taux de chômage a baissé depuis 2007 en sont membres également.
Les candidats
Les cinq États dont la candidature pour l’adhésion à l’Union européenne est officiellement déposée sont l’Islande, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Turquie.
Il ne paraît pas possible de dégager une tendance générale concernant le chômage dans ces pays : deux ont un taux de chômage inférieur à la moyenne des 28 membres de l’UE (Turquie et Islande), deux ont un taux largement supérieur à cette moyenne (Serbie et Macédoine), tandis que le dernier présente un taux quasiment équivalent.
La question de la viabilité de certaines candidatures se pose.
Dans le contexte difficile que la majorité des membres de l’UE connaissent aujourd’hui en matière d’emploi et d’économie, la question de la viabilité de ces candidatures se pose : l’intérêt à adhérer à l’Union européenne vaut-il, pour la Turquie ou l’Islande, la solidarité en termes de soutien financier qui pourra être exigée d’elles avec les autres pays membres en difficulté ? À l’inverse, les membres actuels peuvent-ils se permettre d’accueillir au sein de l’UE des pays, comme la Serbie et la Macédoine, qui nécessiteront des efforts financiers soutenus ?
Au Japon & aux États-Unis
Comment le marché du travail a-t-il réagi face à la crise dans les deux autres économies principales de la Triade ?
. Au Japon, si l’on se penche sur l’évolution 2007-2013, le taux de chômage ne semble pas avoir été très affecté par la crise financière et économique : on constate une stagnation à un niveau de quasi plein-emploi puisqu’en six ans, la part du chômage dans la population active n’a augmenté que de 0,2 points, passant de 3,9 à 4,1 %.
Toutefois, le marché du travail japonais a bien été frappé par les effets de la crise lui aussi : le Japon est officiellement entré en récession en 2008 et un taux de chômage record de 5,4 % est atteint en juillet 2009. Mais suite à une baisse quasiment régulière depuis octobre 2009, le taux de chômage retrouve son niveau approximatif d’avant la crise à partir de mars 2013.
. Aux États-Unis en revanche, le taux de chômage a subi une évolution de + 65 %, passant de 4,6 à 7,6 % entre 2007 et 2013.
Ici encore, il faut se pencher sur l’évolution des chiffres pendant la période : le plus haut niveau de chômage a ainsi été enregistré en octobre 2009, où il atteint les 10 %. Toutefois, après ce pic, et depuis avril 2010, la proportion de chômeurs dans la population active ne cesse de baisser.
Contrairement au Japon ou aux Etats-Unis, l’UE dans son ensemble ne présente pas les signes d’une inversion de la tendance du chômage.
Dans ces deux pays, on constate donc une évolution de la courbe du chômage similaire dans un premier temps à celle que suit l’Union européenne, c’est-à-dire une augmentation du chômage. Mais alors que, à partir de fin 2009-début 2010, le Japon et les États-Unis connaissent une baisse régulière du chômage, l’UE dans son ensemble ne présente pas les signes d’une inversion de la tendance, avec des courbes du chômage qui ne cessent de monter.
Quelles perspectives ?
« Le chômage, élevé, ne se résorbera que lentement » (Résumé des perspectives économiques de la Zone Euro de l’OCDE) [2] .
. Moins d’Union européenne, plus de national
Une implication moindre dans l’Union européenne, voire une sortie définitive, apparaissent pour certains partis politiques (Front national en France, Parti communiste en Grèce, Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni) comme un moyen de contrer les effets de la crise et de résorber le chômage, par le biais notamment du rétablissement des barrières tarifaires et douanières, de la préférence nationale pour l’emploi ou de la réappropriation et l’usage au niveau domestique des fonds actuellement alloués à l’UE.
. Continuer l’intégration européenne
À l’inverse, la continuation du processus d’intégration au sein de l’UE est avancée par d’autres comme l’un des outils face aux effets de la crise : « des réformes structurelles des marchés du travail et des produits s’imposent pour doper la croissance et l’emploi, en mettant plus fortement l’accent sur l’achèvement du marché unique de l’Union européenne [3] ».
Au-delà des effets de la crise sur les économies nationales, celle-ci pose la question de la pertinence des (in)actions de l’UE, qui depuis sa création s’est affirmée sur des fondements économiques puis monétaires.
On assiste dans ce contexte de crise à la réémergence et à un renforcement des discours anti-européens, pouvant aller jusqu’à la remise en cause des acquis de la construction européenne. Dans cet environnement économique difficile, risque-t-on d’assister à une renationalisation des compétences ? Autrement dit, peut-on, comme on l’a construite, déconstruire l’Union européenne ?
Copyright Décembre 2013-Bezamat-Mantes/Diploweb.com
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[1] Je remercie Guilhem Marotte et Roman Vinadia pour leur relecture attentive et leurs conseils. Je reste néanmoins seule responsable des erreurs qui pourraient se trouver dans cet article et la carte qui l’accompagne.
[2] oecd.org/fr/eco/perspectives/zoneeuroprojectionseconomiques.htm (accès le 20.11.2013).
[3] Ibid.