corruption en Roumanie: les députés se votent une immunité sur mesure
(Avec AFP) - Dans la nuit de lundi à mardi, les députés roumains ont voté une série d’amendements qui garantissent aux députés leur immunité dans les affaires de corruption. Proposés par des députés et non pas par le ministère de la Justice, ces amendements ont été discutés dans le plus grand secret tard et remis aux élus juste avant le vote, en violation du règlement de l’Assemblée.
Avant de se prononcer sur ces amendements, les députés avaient tenté d’adopter un projet de loi accordant une grâce aux détenus condamnés à des peines inférieures ou égales à six ans, ce qui aurait conduit à la libération de nombreux hommes politiques condamnés pour corruption. Le vote a été reporté au 10 décembre.
Le Président Traian Basescu, qui avait appelé à rejeter ce projet d’amnistie, a déploré « l’anéantissement de dix ans de travail des institutions anticorruption ». Selon le Parquet anticorruption, 28 parlementaires sont actuellement jugés ou purgent des peines de prison pour corruption. Depuis deux ans, un ancien Premier ministre et des ministres reconnus coupables de corruption ont été condamnés à de la prison ferme, du jamais vu en Roumanie.
Mercredi, le quotidien Romania libera titrait : « Le jour le plus noir dans la lutte anticorruption » tandis qu’Adevarul publiait en Une une caricature peignant les élus en malfaiteurs sur les bancs de l’Assemblée, sous le titre « Banditisme d’Etat au Parlement roumain ».
L’Union des juges (UNJR) a fustigé un « dérapage constitutionnel extrêmement grave » et un « défi sans précédent à l’adresse de la justice ». Cet amendement va « geler des enquêtes pénales en cours et rendre inutiles les condamnations définitives » car les élus condamnés bénéficieront de la loi la plus favorable et pourront être remis immédiatement en liberté, a expliqué à l’AFP la porte-parole de l’UNJR, Dana Pascut.
L’Union européenne (UE), qui surveille la Roumanie pour renforcer la lutte contre la corruption, a rappelé mercredi que tous les citoyens devaient être égaux devant la loi. L’adoption « inattendue » de ce texte fera l’objet du prochain rapport en janvier sur l’état de droit en Roumanie, a souligné Mark Gray, l’un des porte-parole de la Commission. « Dans nos précédents rapports nous avons souligné que les lois en matière de corruption et de conflit d’intérêt doivent s’appliquer aux responsables politiques », a-t-il souligné.
Le gouvernement roumain de centre gauche, qui avait fait l’objet de vives critiques européennes à l’été 2012 lors d’une tentative de destitution du président, a gardé le silence.