insurrection citoyenne en Slovénie: «jusqu’au bout!»
Texte & Photos Laurent Geslin
C’est sous la pluie, mais dans la bonne humeur que quelque 5.000 personnes ont défilé samedi après-midi dans les rues de Ljubljana.
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Crise et révolte sociale : la Slovénie brûle
Étudiants, retraités, fonctionnaires ou simples citoyens, la foule s’est rassemblée place du Congrès, avant de se diriger vers le Palais de justice, où les manifestants ont déposé un cercueil noir sur les marches du bâtiment, pour célébrer les funérailles de « l’État de droit ».
Depuis novembre dernier, les manifestations s’enchaînent en Slovénie, tant pour dénoncer les mesures libérales qui enfoncent le pays dans la crise que la corruption généralisée qui gangrène la classe politique slovène.
Selon un rapport de la Commission anti-corruption, l’ancien Premier ministre Janez Janša, démis de ses fonctions le 27 février dernier, ainsi que son principal opposant, le maire de Ljubljana, Zoran Janković, seraient incapables de justifier des dépenses de plusieurs centaines de milliers d’euros. « Notre classe politique n’a pas changé depuis 20 ans, les partis font des affaires ensemble, on nous demande de nous serrer la ceinture, alors que nos dirigeants s’enrichissent », affirme Miha, 25 ans.
Annoncé depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux, cette manifestation, comme les précédentes, est un rassemblement populaire et spontané, seulement encadré par quelques organisations citoyennes. Pas de parti politique, pas de syndicat, mais des slogans : « Le pouvoir au peuple », « fini les spoliations », « Bruxelles sans la dictature du capital ».
Dans la foule, quelques vieux Partisans en uniforme tiennent le micro, un ou deux drapeaux yougoslaves flottent sous les averses, des silhouettes inquiétantes, grimées comme des morts-vivants, passent dans les rangs [1]. « Je suis venu pour soutenir ceux qui ont de bonnes idées : plus d’écologie et moins de corruption. J’espère que ce mouvement citoyen trouvera un jour une traduction politique », explique Andrej, la trentaine.
Après la chute du gouvernement de Janez Janša, un nouveau Premier ministre a été chargé de former une coalition capable de diriger le pays. Inconnue du grand public, Alenka Bratušek appartient au parti Slovénie positive du maire de Ljubljana, et cette mère de deux enfants souhaite mettre en oeuvre de grands travaux d’infrastructures pour redynamiser l’économie.
« Alenka Bratušek a promis de revenir sur les mesures d’austérité », souligne Rudi Rizman, professeur de sciences politiques à l’université de Ljubljana, « mais la plupart de ces mesures ont été votées à l’instigation de l’ancien ministre des Finances, le libéral Janez Šušteršič, membre de la Liste citoyenne (DL), dont le soutien sera de nouveau indispensable à la nouvelle majorité »... Il n’est donc pas assuré que le futur gouvernement puisse mener à bien les mesures promises par le nouveau Premier ministre. Par sûr non plus que les Slovènes soient convaincus par ces promesses.
[1] Lors d’un précédent rassemblement, Janez Janša avait qualifié les manifestants de « zombies ».