Bulgarie: Plamen Goranov, martyr de l’insurrection citoyenne
- Plamen Goranov au micro, à droite
Plamen Goranov s’était immolé par le feu le matin devant l’hôtel de ville de Varna, alors que se déroulait une manifestation de plusieurs milliers de personnes dénonçant la corruption des politiciens locaux, ainsi que les coûts intolérables des services publics.
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Deux jours après ce geste tragique, un employé de la municipalité de Varna avait trouvé et confisqué une affiche révélant l’identité de la victime, quelques heures avant la démission du Premier ministre Borissov. L’affiche exigeait la démission du maire local.
Des témoins ont raconté avoir entendu un homme crier, tandis que les flammes l’enveloppaient, « Kiro, Kiro, aujourd’hui je devrais être à Antalya ! » Des gens ont tenté de l’aider avec un extincteur et ont appelé les secours. Kiro est le diminutif de Kiril. Le nom du maire de Varna est Kiril Iordanov. Plamen Goranov a été admis à l’hôpital Naval, brûlé à 80%. Il avait subi de graves lésions aux poumons et avait été placé en coma artificiel.
Quelques heures après l’incident, des rumeurs ont circulé à l’effet que l’homme portait une affiche réclamant la démission du maire, et que cette affiche aurait disparu rapidement alors que des gens lui venaient en aide.
La porte-parole du procureur a informé le correspondant de Dnevnik à Varna, Spas Spassov, que les autorités avaient appris l’existence de l’affiche par les médias et que les premières recherches avaient échoué, aucun policier ou employé de la ville interrogé n’ayant eu vent de la chose. Néanmoins, le 20 février, le dernier témoin interrogé a déclaré que l’affiche en question avait bien été retrouvée sur la scène du drame, déclenchant de nouvelles recherches parmi les employés municipaux. Le procureur a saisi l’affiche, où l’on peut lire : « Démission de Kiro et de tous les conseillers municipaux avant le 20 février 2013 à 17h ».
La porte-parole Iotova a réfuté les allégations selon lesquelles Plamen Goranov aurait été accidentellement blessé en tentant d’allumer un mannequin à l’effigie de Kiril Iordanov. Elle a indiqué que deux bombonnes d’essence, l’une de 10 litres et l’autre de 5 litres, avaient été retrouvées à proximité du corps. Des témoins ont affirmé que Goranov s’est versé l’essence sur le corps à l’aide d’une bouteille plus petite. Aucun reste de mannequin n’a été retrouvé. Enfin, seuls les pieds de la victime ne portaient pas de brûlures, a précisé la porte-parole du procureur, insistant sur le fait que tous les éléments corroboraient la thèse du suicide.
Les prises de sang pratiquées sur le corps ne montrait aucune trace de drogue ou d’alcool, ce qui a infirmé une autre hypothèse avancée par les policiers, voulant que l’homme ait été un junky.
- Des centaines de bougies devant la mairie de Varna
Selon les procureurs, le 17 janvier dernier, lors de la plus grande manifestation qui ait eu lieu à Varna, et qui a rassemblé 30.000 personnes, Plamen avait confié à un ami être pessimiste quant aux résultats des manifestations. Il avait ajouté : « Je devrais plutôt m’immoler par le feu », mais son ami ne l’avait pas pris au sérieux. Le 19 février, Plamen Goranov déclarait devant le même ami ne plus avoir l’intention de prendre part aux protestations et disait vouloir partir pour Antalya, en Turquie, afin de s’adonner à son loisir favori – l’alpinisme.
Cet ami a ultérieurement expliqué aux procureurs que Plamen Goranov était devenu très émotif au sujet de la politique et très engagé socialement, très radical, après s’être inscrit comme étudiant à la faculté d’Économie de la ville de Svichtov.
Le procureur a choisi de porter plainte pour « incitation au suicide ».
Alpiniste enthousiaste, Goranov était photographe et mettait à profit son talent de grimpeur en isolant les murs extérieurs de bâtiments. Il était célibataire et sa mère était décédée.
« Nous sommes des moutons et Kiro est notre berger » et « Nous allons partir à la chasse à Kiril Iordanov », ont été les derniers mots que Goranov a inscrits sur son profil Facebook, notait le site Bivol.bg.
« Ma femme et moi sommes en état de choc depuis que nous avons vu les photos, car nous l’avons reconnu. Pendant la manifestation, nous marchions près de lui et avions entamé la conversation. Il portait une affiche contre le groupe mafieux TIM et le maire. Il était désespéré et nous a confié qu’il laissait le chauffage allumé pendant deux heures, puis l’éteignait pendant deux autres, afin d’épargner et de pouvoir manger. L’argent se faisait rare. À la fin de la manifestation, il a pris le micro et a dit que nous devions nous débarrasser de TIM et du maire Kiril », a écrit un manifestant sur Facebook.
« Plamen est l’un des nôtres. Il avait un grand sens de l’humour, il était drôle, sympa, intéressant, souriant et audacieux. Personne ne sait ce qui l’a poussé à faire ça, mais je sais qu’il a toujours voulu vivre dans une ville et une nature saines, un jardin marin intact. Il aspirait à la liberté », a écrit un ami sur Facebook.
Beaucoup en Bulgarie comparent désormais Plamen Goranov à l’étudiant tchèque Jan Palach, qui s’est immolé par le feu le 19 janvier 1969, ou à Mohamed Bouazizi, dont le sacrifice a donné le coup d’envoi de la révolution tunisienne.
Kiril Iordanov, élu sous l’étiquette des Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), le parti de Boïko Borissov, effectue son quatrième mandat à la tête de la mairie de Varna. Des rumeurs prétendent depuis longtemps que le maire servirait surtout les intérêts du puissant et nébuleux groupe TIM, basé à Varna.
Dans un câble secret rendu public par Bivol et WikiLeaks, le groupe TIM avait été qualifié par l’ancien ambassadeur américain à Sofia, James Pardew, de « nouveau leader du crime organisé en Bulgarie ». Le journaliste d’investigation allemand Jurgen Roth parle, quant à lui, de la « forme la plus moderne de crime organisé ».