la guerra permanent de Putin

4-5-25, laGrandContinent

Ce que nous savons pour sûr c’est que ce vendredi 9 mai à Moscou, le président russe organisera le traditionnel défilé de la victoire de la Grande guerre patriotique.

Le jour de la victoire est la clef de voûte de l’édifice de la propagande de Vladimir Poutine.

Comme l’explique l’historien Ian Garner dans une étude fouillée qu’il a consacré à l’idéologie du défilé du 9 mai:


	Toute une série de rituels sacrés doivent marquer cette date très spéciale, où les Russes se souviennent des 27 millions de vies sacrifiées pour contrer la menace d’anéantissement que représentait l’avancée des puissances de l’Axe. Selon la rhétorique officielle actuelle, il s'agit du martyre le plus héroïque et le plus extraordinaire de l'histoire. C'est à ce moment que la Russie a non seulement sauvé sa propre civilisation de la machine de guerre nazie, mais aussi l'humanité tout entière.

Cette année, ce rituel d’une religion d’État a été préparé d’une manière retentissante par Kirill lors de la cérémonie de Pâques.

Le puissant patriarche de Moscou et de toutes les Russies a de nouveau transformé son homélie pascale en une justification théologico-politique de la guerre impériale menée par Poutine.

Kirill a donc transformé Pâques en un «jour de victoire», en écho à l’appellation officielle du 9 mai, en articulant un imaginaire militaire et héroïque autour de la résurrection du Christ.

En 2023 le seul char d’assaut russe qui avait pu défiler à Saint-Pétersbourg était un T-34 datant de l’époque soviétique.

Depuis l’ombre de l’Empire n’a cessé de croître.

La vie en Russie ne s’est pas objectivement améliorée, l'écart avec l’Europe n’a pas été comblé, mais le régime de Poutine a réussi à enfermer les Russes dans ce que le sociologue Grigori Yudin appelle une «guerre éternelle» et que Ian Garner a défini subtilement comme «un conflit perpétuel qui s'alimente de la mémoire du conflit».


	La rhétorique de Poutine et de ses propagandistes est devenue de plus en plus guerrière. Le président affirme qu’«encore et encore, nous devons repousser l’Occident collectif», suggérant que les limites du conflit s’étendent bien au-delà du territoire ukrainien et qu’il s’agit d’une bataille qui ne connaît pas de fin, pas de trêve, ni de limites objectives avec les ennemis de la Russie. Dans la logique de la religion d’État, plus de conflictualité doit être une bonne chose. C’est dans la guerre que la Russie et les Russes peuvent transcender leur existence terne et banale et s’élever vers les royaumes impossibles à atteindre de la grande épopée.

C’est pour cette raison sans doute que les Russes sont plus optimistes depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022.

Alors qu’à la Maison-Blanche s’opère un changement d’alliance, la désignation d’un nouvel ennemi se précise.

Comme le démontre Céline Marangé, après l’Ukraine, la Russie prépare la guerre d’Europe.

Dans la distraction générale, Poutine est en train d’ouvrir un front en Serbie en arsenalisant l’Église orthodoxe.

Selon une note publique du service de renseignement extérieur russe, la Russie est appelée à renouveler sa lutte contre la «prédisposition historique de l’Europe à diverses formes de totalitarisme, lesquelles génèrent périodiquement des conflits destructeurs à l’échelle mondiale».


	Comme il y a 80 ans, Moscou et Washington sont unis dans la lutte contre un ennemi commun: «l'eurofascisme».

En attendant, le Kremlin a préparé la mise en scène d’une victoire éclatante.

Ce 9 mai, Xi Jinping sera là.

Des dizaines de chefs d’États et de gouvernements sont attendus—d’Amérique: comme Lula ou Maduro; mais aussi d’Europe, comme le président serbe Vučić ou le premier ministre slovaque Robert Fico.

Ce sera la mise en scène d’un nouveau succès dans une guerre éternelle.

Celle qui a eu lieu, il y a quatre-vingt ans.

Celle pour laquelle on combat aujourd’hui.

Celle qu’il faut préparer.

Cette place sera un sacre, il suffira de tendre l’oreille pour entendre ce que l’Empire déclarera: