Orban ja té opositor
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Une leçon de hongrois |
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En Hongrie, un fleuve a débordé le 9 juin dernier.
La nouvelle était suffisamment importante pour être relevée un peu partout sur le continent—même dans le choc et la surprise de la dissolution française: le score d’Orbán aux Européennes était une déconvenue. |
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Depuis quelques mois, ces trois mots sont un signe de ralliement.
Tisztelet és Szabadság Párt—le «Parti du Respect et de la Liberté»—a été créé de manière fantoche en 2021. En forme contractée, il se lit: Tisza. Comme le deuxième fleuve de Hongrie, après le Danube dont elle est un affluent.
Pendant trois ans, le parti n’existait pas autrement que sur un bout de papier: il n’avait pas de représentant et ne prenait part à aucune élection.
Il y a quelques mois, un relatif inconnu, Péter Magyar—oui, Magyar, parfois le monde suit un script qui semble un peu trop évident—s’en est emparé.
Aujourd’hui, il a fait de Tisza la deuxième force politique du pays. La seule en mesure de menacer sérieusement Orbán et le tout-puissant Fidesz qui a hégémonisé l’espace politique et public de la Hongrie. Qui est-il?
Comme dans un film, il faut faire un pas en arrière: retourner au mois de janvier.
Malgré l’hiver, le ciel est bleu pour Orbán: l’opposition est en miettes; le deuxième parti après l’indétrônable Fidesz est le néofasciste Mi Hazánk (Notre Patrie). Lors de la dernière grande élection de 2022 il avait écrasé son opposant, Márki-Zay. Quand nous l’avions interrogé, il ne nous avait certes pas impressionnés—mais personne n’avait prévu qu’après plus de dix ans à la tête du pays Orbán aurait encore réussi à gagner avec 20 points de distance contre une opposition unie.
La tempête arrive soudainement. Une nouvelle se diffuse; pour d’obscures raisons de clientélisme, la présidente du pays—une fidèle collaboratrice d’Orbán—a gracié un pédocriminel. La colère explose; sa démission entraîne dans sa chute la ministre de la justice, Judit Varga, une pièce clef du système Orbán et qui devait, initialement, conduire la liste Fidesz aux Européennes…
C’est là que Magyar entre en scène. Il est l’ex-mari de Judit Varga.
Dans un entretien Youtube le même jour, il se présente comme un insider ayant envie de renverser le système Orbán grâce à sa connaissance intime des engrenages. Succès fulgurant: 1 million de vues le premier jour, 2 millions le deuxième—la Hongrie, pour mémoire, compte 10 millions d’habitants. Très vite, il se trouve un parti, parcourt le pays, fait descendre les foules dans les rues. La vague Magyar emporte tout. |
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En français: «la Tisza déborde».
Il réussit là où un autre Péter hongrois—Márki-Zay, l’opposant que nous avions interrogé—avait échoué: en occupant l’espace médiatique, il parvient à enrayer la puissante machine de propagande orbanienne et à dicter l’agenda. Pour le Fidesz, la campagne européenne devient une question de vie ou de mort: face à Tisza, le parti au pouvoir dépense 5 millions d’euros seulement en contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux. Cela ne suffira pas.
Comme l’a déclaré Gergely Karácsony, l’opposant et maire de Budapest, au soir du 9 juin—lui-même réélu ce jour-là à 40 voix d’écart dans la capitale: «une nouvelle ère commence».
À son arrivée à Bruxelles, Magyar peut, triomphalement, railler Orbán: |
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Depuis trois ans, le Fidesz n’est plus membre du groupe.
En catapultant la compétition politique directement à Bruxelles, les premières déclarations de Magyar donnent des gages clairs. Lutter contre la corruption, résorber la pauvreté en Hongrie mais aussi et surtout: soutenir l’Ukraine—une manière de se distinguer nettement du Premier ministre qui soutient objectivement Poutine. Alors que Budapest va entamer une présidence tournante sur laquelle plane l’ombre de Trump, la vie politique hongroise a définitivement changé d’échelle: pour Orbán et son MEGA, le pari de l’Union est en train de devenir une question de survie. |
23-6-24, leGrandContinent