La Chine vient de vivre plusieurs années contrastées mais dont la marque principale restera sans doute dans la mémoire collective la crise pandémique et ses aléas de contrôle de masse.
Pour ceux qui ont quitté le pays avant 2020, ce qui frappe aujourd’hui, dès les premières flâneries dans les artères des centres-villes de Pékin et de Shanghai, c’est le contraste avec l’ambiance heureuse, l’enthousiasme collectif qui y régnaient alors.
Ensuite, c’est l’absence des occidentaux des rues des grandes villes, corroborée par les statistiques officielles des chancelleries. Beaucoup sont partis pendant la crise Covid et très peu sont revenus. Les touristes étrangers, qui représentaient une source importante de revenus pour une frange importante du secteur des services sont également invisibles.
Cela a-t-il à voir avec la sortie brutale mais désorganisée fin 2022 de la crise sanitaire et d’une morosité « post-traumatique » qui perdurerait ?
Y a-t-il en fait des causes profondes, les médias occidentaux s’interrogeant en même temps sur la santé réelle de l’économie chinoise ? Le changement d’humeur des Chinois ne reflète-t-il pas simplement des préoccupations plus « économiques » ?
Bien sûr, des colonnes de voitures électriques aux marques incertaines parcourent les avenues (les spécialistes notent que plus de 150 marques chinoises ont envahi le marché domestique et sont engagées dans une féroce guerre des prix).
Mais, dans les ruelles des hutongs et des quartiers commerciaux, beaucoup des bars, des galeries et échoppes improvisées qui les animaient ont disparu. Les constructions de gratte-ciels et de centres commerciaux démesurés, qui nourrissaient l’activité immobilière et la croissance du PIB, semblent au point mort. Quant aux « malls » historiques, ils sont désertés, cannibalisés par le commerce en ligne dont les citoyens chinois sont devenus d’insatiables adeptes.
Ce qui n’a pas changé en revanche, c’est l’ambiance pittoresque et animée des parcs publics. Grace aux bicyclettes en libre-service disponibles à tous les coins de rue, leur découverte est à portée de tous pour une somme dérisoire, pourvu que l’on soit en mesure de régler la location avec son smartphone, ce qui n’est tout de même pas à la portée de tout visiteur de passage...
Les parcs publics continuent donc à rassembler les badauds de plusieurs générations de citadins recherchant la quiétude ou des partenaires de badminton.
Mais certains parmi ces promeneurs semblent fatigués émotionnellement. Même la joie de se retrouver dans les restaurants semble atténuée. Alors que la Chine est plus puissante que jamais dans ses domaines industriels traditionnels mais aussi dans les nouvelles énergies, le sentiment d'une ascension inéluctable du pays semble s’être estompé.
Il est difficile de réaliser à quel point le secteur privé chinois - qui produit pourtant environ 50% du PIB national et représenterait 80% de l’emploi urbain - a été ébranlé par la crise.
On apprend ainsi assez vite que l’inquiétude grandissante de la Chine tient en fait à la soudaine mauvaise santé du secteur immobilier. Le boom des 20 dernières années, marqué par une ascension constante des prix, semble terminé. Or, l’immobilier c’est 30% du PIB du pays et cela représente 60% de la fortune des foyers.
Cette décélération des trois dernières années a affecté plusieurs générations qui n’ont jamais connu que des améliorations de leur niveau de vie. En y regardant de plus près pourtant, cela fait presqu’une décennie que l’économie décélère. C’est la raison du questionnement.
Une inquiétude s’est installée dans les esprits, il faudra des efforts redoublés des autorités pour convaincre à nouveau ses concitoyens et les investisseurs étrangers que le pays peut renouer avec ses ambitions affichées avant la crise. Au deuxième trimestre 2023, selon un grand établissement financier, les investissements directs étrangers sont tombés à leur plus bas niveau en vingt-six ans. Souhaitons que le coup de blues des citoyens et de l’économie ne soit que temporaire.