Par Jaklina Naumovski et Katerina Sula
La douche froide que vient de prendre la Macédoine du Nord, après le « non » à l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne, sonne le glas des espoirs de toute une population de rejoindre un jour la grande famille européenne. Les conséquences de l’obstination de certains pays, le Danemark, la France et les Pays-Bas, à garder les portes closes de l’UE, ne vont pas tarder à se faire sentir. Emmanuel Macron a eu beau annoncer qu’il visiterait dans les prochains mois les deux pays recalés, cela ne fait pas mieux passer la pilule.
La déception était aussi visible sur les visages du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et du président du Conseil européen, Donald Tusk, qui ont qualifié cette décision « d’erreur historique ». Le commissaire européen à l’élargissement, Johannes Hahn, a souligné sur twitter que « la responsabilité de cet échec n’incombe pas à la Macédoine du Nord et à l’Albanie, qui espéraient une décision positive. C’est la responsabilité de l’UE qui a échoué en raison de ses problèmes internes. Cela porte atteinte à la crédibilité de l’Union non seulement dans la région des Balkans occidentaux, mais au-delà. »
En Macédoine du Nord, c’est la colère contre la France et l’attitude inflexible du Président Emmanuel Macron qui domine dans l’opinion publique, mais aussi le sentiment qu’une nouvelle injustice vient d’être infligée au pays. En effet, après toutes les concessions faites ces dernières années, notamment le changement du nom du pays, la Macédoine du Nord voit, une fois de plus, la perspective d’intégration à l’UE s’éloigner.
Avant même l’annonce de la décision de Bruxelles, le Président Stevo Pendarovski avait tenu une conférence de presse déclarant le comprendre le « sentiment de déception des citoyens », mais ajoutant aussitôt : « il faut mettre de côté les émotions, et faire face à la nouvelle réalité avec sobriété », et rappelant que « l’adhésion à l’OTAN était proche », comme pour tenter de les consoler. Il a souligné que « nous savons depuis longtemps que l’adhésion à l’UE ne sera pas la tâche d’un seul gouvernement, d’un seul parlement ni d’un seul président ». En guise de conclusion il a invité les dirigeants des principaux partis politiques du pays - SDSM, VMRO-DPMNE, BDI, Besa, Alliance pour les Albanais - à une réunion ce dimanche à 17 heures, car « le moment est venu de faire preuve d’unité dans notre orientation stratégique, quelles que soient les différences politiques légitimes sur de nombreuses questions ». Les dirigeants de tous les partis ont confirmé leur participation.
Toute la journée de vendredi, l’absence de réaction du Premier ministre Zoran Zaev a alimenté les spéculations sur une démission imminente de ce dernier, qui se sont surtout répandues dans les pays voisins – rumeurs faisant suite à une petite phrase de Zoran Zaev qui avait déclaré, avant le Sommet européen, qu’il « prendrait ses responsabilités ». « Des consultations intensives sont en cours après les conclusions du Conseil européen. Le Premier ministre Zoran Zaev s’est entretenu avec divers chefs de gouvernements de l’UE, et prendra des décisions guidées par les seuls intérêts des citoyens et du pays », précise le communiqué de presse officiel du gouvernement. Dans la soirée, Zoran Zaev a mené des réunions consultatives au sein de son propre parti, mais rien n’a filtré sur les conclusions de celles-ci.
Dans la journée, les partis d’opposition - VMRO-DPMNE, Alliance pour les Albanais et Besa - avaient fustigé la coalition au pouvoir pour cet échec, réclamant la démission du Premier ministre, la mise en place d’un gouvernement technique, ainsi que l’organisation urgente de législatives anticipées.
Edi Rama : « L’échec ne tient pas à nous »
Le Premier ministre albanais a tenu une conférence de la presse vendredi après-midi, après le refus d’ouverture des négociations. « L’Albanie a fourni plus d’efforts que n’importe quel autre pays pour arriver à l’ouverture des négociations, car on lui en a beaucoup demandé plus », a déclaré Edi Rama. « D’énormes efforts ont été fournis [par l’Albanie]. Cela a été reconnu non seulement par la Commission européenne, mais par une grande partie des chefs de gouvernement de l’UE et par la chancelière allemande elle-même. » Pour lui, la décision de ne pas ouvrir les négociations n’a rien à voir avec l’Albanie mais résulte des tensions politiques internes à l’UE.
« En matière de corruption et de criminalité, le Danemark et la France sont plus scrupuleux que l’Allemagne, certains mettent davantage l’accent sur cette question, d’autres moins, certains essaient de résoudre des questions de politique intérieure sur notre dos. Nous avons tout fait pour obtenir un feu vert. S’ils ne l’ont pas donné, cela ne dépend pas de nous. L’attitude du Président Macron tient à une critique structurelle du fonctionnement actuel de l’Union. »